Coucou tout le monde, nous espérons que vous allez tous bien et que la reprise après les vacances estivales s’est faite en douceur. Tout ça nous semble toutefois bien lointain avec cette entrée abrupte et froide dans ce nouveau mois d’octobre #bonjourlaneige.
Vous vous souvenez, il y a quelques semaines, nous vous avions parlé d’un projet collaboratif concernant la campagne cantonale « l’éducation donne de la force« . Nous vous avions donné la parole, via un formulaire en ligne, pour que vous puissiez y apposer toutes vos interrogations concernant l’éducation, par le biais de divers thèmes. Nous avons recueilli vos mots, et les avons transmis aux professionnelles avec qui nous collaborons, à savoir : une psychomotricienne, une logopédiste et une psychologue, qui ont pris le temps d’y répondre et de vous donner des pistes, en se basant sur leurs compétences professionnelles ainsi que leur savoir-être et leur expérience.
Nous avons le plaisir de vous proposer une petite série d’articles en lien avec les diverses thématiques. Ceux-ci seront publiés tout au long de l’année scolaire et seront rédigés sur la base de vos histoires e de vos questionnements.
Nous prenons la plume ensemble aujourd’hui pour vous partager le premier thème de la série : La gestion « des crises » chez l’enfant, où comment l’accompagner au mieux dans son tourbillon émotionnel.
Bonne lecture <3
La parole aux pros
Pour commencer, nous aimerions vous dire un grand MERCI pour votre participation à ce projet. L’objectif de la campagne de prévention « l’éducation donne de la force » vise à soutenir les parents, dont la plupart remplissent parfaitement leur rôle éducatif, mais qui se posent des questions, ont besoin d’être écoutés, rassurés et valorisés dans leurs compétences parentales.
Les différentes thématiques que nous vous avions proposés, en échangeant avec Valentine et Johanna, nous permettront de vous proposer quelques pistes à explorer au quotidien, en lien notamment avec les « huit piliers d’une éducation solide » proposés dans la campagne de prévention. Ceux-ci sont très bien expliqués (et dans plusieurs langues) dans des brochures que vous trouverez par ici . Aussi, nous avons décidé de partir plutôt sur des thèmes et d’essayer de répondre à vos questions le plus pragmatiquement possible. Il paraît important de rappeler que l’éducation d’un enfant est un processus vivant, fait de hauts et de bas et que chaque situation est singulière. Il est donc difficile de faire des généralités. Cela dit, de par nos formations en psychologie, psychomotricité et logopédie, mais également en lien avec notre expérience de terrain avec les familles, nous vous proposerons des pistes à explorer, afin que vous puissiez construire ensemble, avec vos enfants, le chemin qui vous convient.
La gestion des crises chez l’enfant
Le titre même de ce premier thème (que nous avons pourtant choisi) nous pose problème. En effet, tout parent ou toute personne qui a un jour assisté à une « crise » d’enfant pourra témoigner que lorsqu’elle arrive, il est très difficile de gérer quoi que ce soit. Nous préférons ainsi parler plutôt d’accompagnement de l’enfant dans ce volcan émotionnel qui l’envahit. Les « crises » varient selon l’âge de l’enfant, selon son tempérament, sa fatigue, celle de son parent et finalement les raisons sont souvent multifactorielles. A ce sujet, Isabelle Filliozat, psychologue, didacticienne en psychothérapie et autrice de nombreux ouvrages sur l’éducation, rappelle que les comportements des enfants, même les plus extrêmes, profitent en premier au besoin de développement de l’enfant (tiré du livre « J’ai tout essayé », 2011). De plus, les crises sont souvent des phases initiatrices de changement, et l’actualité sanitaire en est la preuve la plus récente. Il y a ainsi des comportements fréquents chez les enfants, qui sont en fait naturels et normaux puisqu’ils sont utiles à leur croissance. Du point de vue du parent par contre, cela peut être très pénible et engendrer un grand sentiment d’impuissance.
Dans ces moments de crise, ce qui nous semble important de souligner, c’est l’importance de la relation. L’éducation c’est un 80% d’affectif pour un 20% de normatif. C’est le premier pilier à nos yeux, celui qui a le plus d’importance : éduquer c’est beaucoup d’amour. L’enfant a besoin que son « réservoir d’amour » soit plein pour pouvoir s’épanouir et se sentir en sécurité. Une fois cette relation de base solidement établie, le parent aura également le rôle de mettre des limites et d’accepter le conflit avec son enfant.
A la lumière de certaines questions que vous nous avez posées, nous allons essayer de donner quelques pistes pour vous permettre de traverser ces moments de crise au quotidien qui peuvent être épuisants !
Livre Gaston la licorne – Mes émotions de Aurélie Chien Chow Chine
« Comment gérer les émotions de mon enfant de 6 ans alors que j’ai moi-même des difficultés à gérer mes émotions ? »
Cette question relève un point essentiel. Nous sommes des modèles pour nos enfants et il arrive fréquemment qu’on se « reconnaisse » dans le comportement de notre enfant. Il peut être intéressant d’essayer d’exprimer nos propres émotions afin que l’enfant puisse mieux les comprendre et les exprimer aussi à son tour. On peut aussi refléter les sentiments de l’enfant en disant ce que l’on observe (« je vois que tu es en colère, tu as le droit d’être fâché »). A 6 ans, votre enfant peut aussi être intéressé à dessiner ses émotions ou à les expliquer. Le plus votre enfant saura identifier ses propres émotions, le plus il pourra apprendre à vivre avec. Il existe pleins de livres très chouettes autour des émotions. Ici, on a un petit coup de cœur pour le livre de Anna Llenas « la couleur des émotions ». Vous pouvez également fabriquer avec votre enfant une petite « roue des émotions » ou la « météo des émotions » et utiliser cet outil en famille. On peut alors guider son enfant vers les images avant que l’émotion l’envahisse ou alors l’utiliser par après pour parler de ce qui s’est passé.
Durant le moment de crise de votre enfant, essayez si possible de garder votre calme. Cela aidera à faire redescendre cette crise de colère car votre enfant pourra réguler son comportement en prenant exemple sur le vôtre. Lors de la phase aiguë de la crise (cris, pleurs…), ce n’est pas le moment de communiquer, expliquer les règles, s’énerver. L’enfant débordé par ses émotions n’est pas en état de raisonner et comprendre. Il faut l’accompagner jusqu’à ce qu’il se calme et reprendre la discussion ensuite. Pour réguler le débordement, on peut contenir, proposer un câlin, proposer d’aller se calmer dans un endroit propice, de s’éloigner de la source d’agitation. Dans des crises récurrentes, un coin spécifique prévu pour décharger les colères (punchingball) ou pour se recentrer (cabane, coin lecture) peuvent être mis en place
« Mon fils de 26 mois commence à taper (ses copains, nous) s’il n’est pas content ou quand il est énervé. Comment lui apprendre que cela ne se fait pas ? »
Accueillir l’émotion de l’enfant ne veut pas dire d’autoriser les comportements violents. Quand un enfant traverse une « crise de rage », et compte tenu de son âge, il peut être utile d’essayer de le sécuriser et de le contenir physiquement. En gardant votre enfant dans vos bras, les stimuli sensoriels qu’il provoque en bougeant se réduisent et permettent au cerveau de se calmer et de trouver un repère sensoriel. Il se sent alors contenu par des limites physiques et sécurisé dans vos bras. On peut aussi lui proposer de taper à sa guise sur un « coussin de la colère » afin de se calmer. Il est important dans ce cas-là de distinguer l’émotion (la colère) et sa manifestation (taper). L’émotion est légitime et on peut l’accueillir, par contre, sa manifestation (taper) n’est pas autorisée. Le parent est alors là pour mettre une limite et proposer une alternative. A 2 ans, l’enfant ne sait pas encore forcément s’exprimer suffisamment clairement pour expliquer ses besoins. On peut alors en tant qu’adulte lui poser la question « c’est le fait de devoir partir de la crèche qui te rend en colère ? ». On montre ainsi à l’enfant qu’on comprend son émotion et qu’on l’accepte. Et si on comprend mieux la raison de sa colère, on pourra alors mieux anticiper pour une prochaine fois et préparer l’enfant en amont.
« Comment faire lorsqu’on sait que si on continue à dire non, ou à ne pas approuver ce que l’enfant fait, ça va engendrer une crise ? Peu importe ce qu’on peut faire ou dire, ça attise la colère. Et à la fin, ça fait une crise de 15 à 30 minutes (hurlement, claquement de porte, coup de pied etc.) »
Dans ce genre de moments, ce n’est pas facile comme parent car on sent monter la colère chez l’enfant et on redoute alors une « grosse crise », qui est, comme déjà dis plus haut forcément difficile à gérer. Mettre des limites et s’y tenir est pour beaucoup de parents la tâche la plus difficile. Pourtant, un enfant a besoin que ses parents lui posent des limites claires et structurantes. Cela va l’aider à grandir et à se sentir en sécurité. Lorsque l’enfant est face à un interdit, il va souvent essayer de demander plusieurs fois et trouver différentes stratégies pour aller vérifier si le « non » tient toujours. Dans ces situations, on vous encourage à « tenir bon » (même si ce n’est pas facile sur le moment !) et à maintenir les limites que vous aviez posées. On peut prévenir l’enfant lorsqu’on voit arriver les premiers signes de colère : « Je vois que tu es fâché et contrarié mais je ne vais pas changer d’avis ». L’enfant voit que son émotion est reconnue mais que son parent est consistant. Et c’est par l’expérience que l’enfant apprend, on ne peut donc pas passer à côté de ces moments de grosses frustrations. On peut aussi en discuter avec lui : « La prochaine fois quand je te dirais non et que tu seras contrarié, qu’est-ce qui pourrait t’aider ? Par exemple, serrer les poings très fort et de respirer, aller taper dans un coussin de la colère, venir dans mes bras pour te réconforter, etc. ». Selon l’âge de l’enfant et la situation, on peut chercher des compromis. Par exemple : « non tu ne peux pas regarder un épisode maintenant par contre dès que tes devoirs sont faits, c’est envisageable » ou encore « non tu ne peux pas rester chez ton ami ce soir, mais propose moi un autre moment qui pourrait nous convenir et on organise ça ». La recherche d’alternatives qui peuvent rejoindre le désir de l’enfant tout en respectant le non du parent peut détourner le focus de la crise. Bien évidemment, cela est une solution uniquement dans certaines situations spécifiques.
« A part la patience, la créativité et le jeu, quels outils pour faire manger des fruits aux enfants qui n’aiment pas ? »
Cela dépend de l’âge des enfants. Comme vous le proposez, on peut essayer de varier la manière dont on lui sert un même fruit (coupé en carrés et placés de façon rigolote, en compote, des fruits séchés, etc.). Cela dit, il faut aussi relativiser et déstresser vis-à-vis de l’alimentation de son enfant. L’enfant se nourrit généralement de ce dont son corps a besoin, s’il mange peu un jour, il équilibrera probablement le lendemain ou sur le reste de la semaine. Si l’enfant ne veut pas manger ces fruits, on ne va par contre pas lui proposer une alternative (confiserie, chips ou autre), mais on accepte qu’il ne les mange pas. La fondation Senso5 propose également d’utiliser les 5 sens pour découvrir un nouvel aliment et rester curieux. Ainsi, si l’enfant n’aime pas un fruit, il peut commencer par le regarder, le toucher, le sentir, le lécher et petit à petit le goûter. Il n’est pas utile de forcer un enfant à manger.
« Comment calmer un enfant qui s’énerve à la maison ? »
Il n’existe malheureusement pas de recette « miracle ». Cela demande comme parent de se questionner : quelle est la cause possible du comportement de mon enfant ? Est-il simplement frustré car je lui ai dit « non » ? Est-il plus réactif car il a eu une journée éprouvante ? A-t-il besoin de plus d’attention de notre part ou au contraire d’un moment calme dans sa chambre ?
Il nous parait important de rappeler que l’enfant a besoin que son « réservoir d’amour » soit plein pour pouvoir se sentir en sécurité et être apaisé. On peut remplir le réservoir d’amour d’une manière non-verbale, en se centrant sur le corps et le jeu, qui sont des mode de communication important chez l’enfant : une bonne dose de câlins, de moments de chatouilles, de massage, de mots doux, de regards,…un moment de complicité ou de jeu où chacun à du plaisir d’être ensemble.
On peut aussi ouvrir le dialogue avec son enfant et lui demander s’il a envie de nous parler de ce qui l’énerve, ce qui le frustre. Parfois, ces moments de discussion peuvent déboucher sur des idées et des solutions. « La prochaine fois que ton frère te pique un jouet, qu’est-ce que tu peux essayer de faire ? ». Nous sommes souvent étonnés de la créativité des enfants lorsqu’il s’agit d’imaginer des solutions. Parfois, l’enfant a besoin de rester seul et d’attendre que « l’irruption du volcan redescende ». On peut alors l’inciter à choisir un petit coin tranquille dans la maison pour se calmer, par exemple dans sa chambre ou lui donner une couverture dans laquelle s’enrouler et se fabriquer une petite cabane-calme.