Aujourd’hui, nous revenons vers vous avec un récit très touchant sur le deuil périnatal. Ce sujet est encore très tabou dans notre société, c’est pourquoi Anne a décidé d’en parler, pour aider d’autres parents à traverser cette période difficile.
Anne, maman de deux petits garçons et d’une petite fille Louise, une étoile.
Je m’appelle Anne, j’ai 39 ans. Je suis enseignante. Je tiens le blog maman40.com et j’ai 2 garçons de 7 ans et de demi et de 4 ans. Voici ce que je dis aux gens lorsque l’on me demande de parler de mes enfants mais ce n’est pas la vérité…
Au fond de mon cœur, j’ai 3 enfants : mes 2 adorables garçons qui remplissent ma vie de joie (et de fatigue !). Mais il y a aussi ma fille, Louise, que je n’ai malheureusement jamais pu rencontrer.
Mon fils aîné est né en 2011. Lorsqu’il a eu 2 ans, mon mari et moi avons décidé d’avoir un 2ème enfant. Par bonheur, nous n’avons jamais eu de difficultés pour que je tombe enceinte. Nous avons donc eu la chance de voir se dessiner le 2ème trait sur le test de grossesse en 2013. Nous étions ravis ! Un petit frère ou une petite sœur allait venir agrandir notre famille.
Lors de la première échographie au 3ème mois, la gynécologue nous a annoncé que la nuque du bébé était très épaisse. Cauchemar. Incompréhension. Trou noir. Je l’entendais parler mais je me sentais détachée de mon corps. Cela ne pouvait pas nous arriver. Je savais que cela était possible mais pas pour nous.
J’ai eu un arrêt de travail. Je ne pouvais plus faire face à la réalité et en plus j’ai eu rapidement des pertes de sang.
Puis il y a eu l’amniocentèse. Je ne savais pas vraiment en quoi cela consistait. Le corps médical m’avait assuré que cela n’était pas douloureux. Ils ont menti. C’est extrêmement douloureux et stressant au-delà du supportable. Mon corps porte encore la marque de la piqûre. Je me dis qu’elle ne partira jamais, laissant mon corps tatoué de sa tristesse infinie.
Cela a marqué le début des montagnes russes, sans le côté fun de la chose. Les résultats de l’amniocentèse ont révélé que ce n’était pas une trisomie. Ouf, rassurés. L’écho de contrôle qui a suivi était également rassurante : certes le bébé n’était pas très vif mais la gynécologue était plutôt optimiste.
Nous avions repris espoir. Je commençais à parler à mon bébé, à lui dire qu’il devait venir nous rejoindre, que son grand frère l’attendait avec impatience.
Dernière écho. 4ème mois. Le gynécologue place la sonde sur mon ventre. Nous retenons notre souffle comme à chaque fois. Il n’hésite pas. Le diagnostic tombe : le bébé est gravement malade. La grossesse ne pourra pas aller à son terme. Je ne me souviens plus de tout. Je crois que je me suis effondrée. Je pense me souvenir que j’ai repoussé la main du gynécologue qui continuait à m’ausculter. Je suis partie me rhabiller dans les toilettes qui donnaient aussi dans la salle dans laquelle l’équipe médicale était allée après l’écho. Je les ai entendu dire à quel point c’était triste pour nous.
Nous avons eu un entretien avec une personne nous indiquant les possibilités s’offrant à nous. J’aurais pu continuer la grossesse jusqu’au bout mais notre bébé (nous ne savions toujours pas si c’était une fille ou un garçon, nous ne voulions pas savoir) ne survivrait pas.
S’en est suivie une attente interminable entre ce moment et l’accouchement. Car il s’agit bien d’un accouchement. Je suis rentrée à l’hôpital pour accoucher presque normalement de mon bébé. J’ai vu des femmes sur le point d’accoucher. Mais moi je savais que je n’allais pas repartir avec mon bébé dans mes bras.
La sage-femme (formidable) nous a annoncé que c’était une petite fille. Elle avait la maladie des os de verre. C’était Louise.
Mon mari a été formidable et m’a soutenu tout au long de cette terrible épreuve. Mais je crois surtout que nous nous sommes soutenus mutuellement. Cela nous a rendu plus forts même si nous n’en avions pas besoin.
— J’avais cousu son nom à l’intérieur de ma robe de mariée. —
J’ai décidé de réagir aujourd’hui pour aider ceux qui sont en train de passer ou qui sont passés par cette terrible épreuve. J’aimerais leur dire de ne pas faire les mêmes erreurs que moi. Je n’ai pas voulu dire au-revoir à ma fille. J’ai eu peur de la prendre dans mes bras. Je ne m’en sentais pas la force. C’est un regret que j’aurai jusqu’à la fin de mes jours.
Je voudrais aussi que les gens qui n’ont pas vécu cela comprennent que oui, perdre un bébé qui n’est pas encore né revient à perdre un enfant. A la seconde où l’on tombe enceinte (surtout quand on est déjà maman), on aime cet enfant. On se projette.
J’aimerais aussi leur dire que non, je n’ai pas digéré ce moment (dixit une psy que j’avais vu) et que je ne le digèrerai jamais car cela reviendrait à oublier que Louise existe. Pour qu’elle soit présente à notre mariage, j’avais cousu son nom à l’intérieur de ma robe. Très souvent, je l’imagine. Je compte quel âge elle aurait eu. Je sais qu’elle aurait été la plus belle des petites filles et que chaque jour elle nous aurait rendus fiers, son papa et moi.
Si vous connaissez des gens qui sont passés par la perte d’un bébé, demandez-leur comment il s’appelle. Personne ne me l’a jamais demandé. Elle s’appelait Louise.
A présent, je pleure encore très souvent, à des moments complètement inattendus. J’ai le cœur serré quand une petite fille me sourit ou me fait un câlin. Mais je vais mieux. Nous avons eu la joie immense d’avoir notre 2ème petit garçon en 2014. Quel bonheur !
Je sais que Louise est là, quelque part, qu’elle veille sur nous, moi, son papa et ses 2 frères. Nous l’aimons tous très fort. Elle nous manque tous les jours.
A tous les parents qui ont connu un deuil prénatal ou qui en connaitront un, un jour, je leur dis : soyez forts, et rappelez-vous que dorénavant une étoile veillera sur vous.
La mienne s’appelle Louise.
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Photo : Phil Botha